Dans son malheur, Alexandre Flahat a peut-être eu un peu de chance cette année. En mai, le moteur de P’tite Mila, son chalutier de 17,50 m, acheté en 2020 à La Turballe, a cassé. Deux mois d’immobilisation pour le changer, un nouveau prêt sur le dos pour le financer et la saison de la langoustine ratée. Mais il a pu faire des choix pour diminuer sa consommation de gazole. « J’avais un moteur V12, j’ai mis un V8, moins puissant. Il consomme moins. Je suis passé d’une consommation de 1,9 tonne de gazole par jour à 1,4 avec le nouveau moteur ».

Actuellement, le jeune patron âgé de 33 ans pêche le thon, en bœuf avec l’Adeline-Stephen, pendant des marées de dix jours. Une campagne moins gourmande que les bateaux qui pêchent avec un chalut de fond. « On ne pêche que la nuit, donc on consomme moins », explique-t-il. « On a fini par trouver le thon très au sud en face de l’Espagne. La dernière marée, on a pêché 27 tonnes ».

Une inflation pas répercutée sur le prix du poisson sous criée
Comment rentabiliser un bateau quand, en plus du gazole, la nourriture, les matériaux et engins de pêche augmentent au rythme de l’inflation ? « Tout a pris 30 %. Notre souci est que ça n’est pas répercuté sur le prix du poisson que nous vendons sous criée. En revanche, le poisson que je vois sur les étals, lui, est beaucoup plus cher », constate-t-il amer. « On n’est plus qu’une vingtaine de chalutiers artisans dans le port de Lorient. Cinq à six jeunes de mon âge. Aujourd’hui, on est dans la survie. On paye les traites, c’est tout. Et comme l’équipage est payé à la part, en fonction du prix de vente du poisson déduit des frais généraux, les gars ont 500 € à 600 € de moins sur leur fiche de paie chaque mois ». L’équipage est sur la même longueur d’onde que le patron. « On ne sait pas où est notre avenir », renchérit Christophe Fouillé, matelot sur P’tite Mila. « On ne sait pas si ça va continuer ».
« À quoi ça sert ? »
Après le thon, P’tite Mila repartira au chalut de fond, pêcher l’encornet, la seiche et du poisson divers (sole, cardine…). Faudra-t-il encore aller se battre, manifester pour demander l’aumône ? Cette perspective ne réjouit ni le patron, ni les matelots. « L’année dernière en 2022, on a été stoppé longtemps pour les grèves gazole. Au printemps, on a perdu trois semaines de mer. Ils éteignent le feu un jour, en nous faisant des promesses qu’ils ne tiennent pas. À quoi ça sert ? », s’interrogent les matelots.
Alexandre Flahat rajoute : « Je me donne encore un an pour prendre une décision. Savoir si j’arrête, ou pas. Je ne vais pas continuer à me mettre la corde autour du cou ».